Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’amusaient beaucoup : il peignait parfaitement la manière d’être et de parler de ce souverain, et disait avec quelle bonhomie il allait solliciter la première camériste pour obtenir de rentrer dans le lit nuptial, quand, par mécontentement, la reine l’en avait banni ; le temps qu’on lui faisait désirer cette réconciliation était calculé entre la reine et sa camériste, et toujours mesuré à la nature du délit. Il racontait aussi beaucoup de choses fort amusantes sur la cour de Parme, dont il parlait avec assez de dédain. Si l’on eût écrit chaque jour tout ce que ce prince disait sur l’intérieur de ces cours, et même sur celle de Vienne, on en eût fait un recueil très-piquant : j’ai seulement retenu un trait qui rappelle l’engouement de Léopold, grand-duc de Toscane, pour le système des économistes, et donne une idée du jugement que l’empereur en avait porté. Il raconta au roi que le grand-duc de Toscane et le roi de Naples s’étant trouvés réunis, le premier parla beaucoup des changemens qu’il avait effectués dans ses États. Le grand-duc avait rendu une foule d’édits nouveaux, pour y mettre les préceptes des économistes en exécution, espérant par-là travailler au bonheur de ses peuples. Le roi de Naples le laissa parler long-temps, puis lui demanda simplement combien il y avait de familles napolitaines en Toscane. Le grand-duc en compta bientôt le très-petit nombre. Eh bien, mon frère, reprit le roi de Naples, je ne conçois pas vos peuples de rechercher si peu le bonheur ; car j’ai