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J’étais chez la reine le jour même. Elle nous entretint de ce petit événement pendant toute la durée de son coucher, et ses plaintes se bornaient à trouver mauvais qu’un garde de Monsieur eût eu l’audace de lui parler. Sa Majesté ajoutait qu’il aurait dû respecter leur incognito ; que ce n’était pas là qu’il devait se permettre de faire une demande. Madame l’avait reconnu et voulait s’en plaindre à son capitaine. La reine s’y opposa, attribuant au peu d’éducation d’un homme de province la faute qu’il avait commise.

Les contes les plus scandaleux ont été faits et imprimés dans les libelles du temps, sur les deux événemens très-insignifians que je viens de détailler avec une scrupuleuse exactitude ; rien n’était plus faux que ces bruits calomnieux. Cependant il faut l’avouer, ces réunions avaient de graves inconvéniens. J’osai le représenter à la reine, en l’assurant qu’un soir où Sa Majesté m’avait fait signe de la main de venir lui parler sur le banc où elle était assise, j’avais cru reconnaître à côté d’elle deux femmes très-voilées qui gardaient le plus profond silence ; que ces femmes étaient la comtesse Du Barry et sa belle-sœur ; et que j’en avais été convaincue en rencontrant à quelques pas du banc où elles étaient, auprès de Sa Majesté, un grand laquais de madame Du Barry, que j’avais vu à son service tout le temps qu’elle avait résidé à la cour.

Mes avis furent inutiles : la reine abusée par le plaisir qu’elle trouvait dans ces promenades, et