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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/249

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les discours les plus inconsidérés ; et ces propos se tenaient dans les sociétés où l’on aurait dû sentir le danger imminent de manquer, d’une manière aussi criminelle, à la vérité et au respect que l’on doit à ses souverains. Quelques jours avant l’accouchement de la reine, on jeta dans l’œil-de-bœuf un volume entier de chansons manuscrites sur elle et sur toutes les femmes remarquables par leur rang ou leurs places. Ce manuscrit fut à l’instant remis au roi qui en fut très-offensé, et dit qu’il avait été lui-même à ces promenades ; qu’il n’y avait rien vu que de très-innocent ; que de pareilles chansons troubleraient l’union de vingt ménages de la cour et de la ville ; que c’était un crime capital d’avoir osé en faire contre la reine elle-même, et qu’il voulait que l’auteur de ces infamies fût recherché, découvert et châtié. Quinze jours après on savait publiquement que les couplets étaient de M. Champcenetz de Riquebourg[1], qui ne fut pas même inquiété.

J’eus, dans ce temps, la certitude que le roi parla en présence de deux de ses plus intimes serviteurs, à M. de Maurepas, du danger qu’il voyait pour la

  1. Ce monsieur Champcenetz de Riquebourg était connu par beaucoup de chansons dont quelques-unes sont très-bien faites ; gai et naturellement satirique, il porta sa gaieté et son insouciance jusqu’au tribunal révolutionnaire, où, après avoir entendu lire sa condamnation, il demanda à ses juges si ce n’était pas là le cas de se faire remplacer.
    (Note de madame Campan.)