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tueux, que ce mouvement pensa faire périr la reine. Le roi avait eu, dans la nuit, la précaution de faire attacher avec des cordes les immenses paravens de tapisserie qui environnaient le lit de Sa Majesté : sans cette précaution ils auraient à coup sûr été renversés sur elle. Il ne fut plus possible de remuer dans la chambre qui se trouva remplie d’une foule si mélangée, qu’on pouvait se croire dans une place publique. Deux savoyards montèrent sur des meubles pour voir plus à leur aise la reine placée en face de la cheminée, sur un lit dressé pour le moment de ses couches. Ce bruit, le sexe de l’enfant que la reine avait eu le temps de connaître par un signe convenu, dit-on, avec la princesse de Lamballe, ou une faute de l’accoucheur, supprimèrent à l’instant les suites naturelles de l’accouchement. Le sang se porta à la tête, la bouche se tourna, l’accoucheur cria : De l’air, de l’eau chaude, il faut une saignée au pied ! Les fenêtres avaient été calfeutrées ; le roi les ouvrit avec une force que sa tendresse pour la reine pouvait seule lui donner, ces fenêtres étant d’une très-grande hauteur, et collées avec des bandes de papier dans toute leur étendue. Le bassin d’eau chaude n’arrivant pas assez vite, l’accoucheur dit au premier chirurgien de la reine de piquer à sec ; il le fit, le sang jaillit avec force, la reine ouvrit les yeux. On eut peine à retenir la joie qui succéda si rapidement aux plus vives alarmes. On avait emporté à travers la foule la princesse de Lamballe sans connaissance. Les