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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/26

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femmes de service. Tout était bien, au moins je le croyais. Je vois tout-à-coup les yeux de madame de Noailles attachés sur les miens. Elle me fait un signe de la tête, et puis ses deux sourcils se lèvent jusqu’au haut de son front, redescendent, remontent ; puis de petits signes de la main s’y joignent. Je jugeais bien, à toute cette pantomime, que quelque chose n’était pas comme il fallait ; et tandis que je regardais de côté et d’autre, pour me mettre au fait, l’agitation de la comtesse croissait toujours. La reine s’aperçut de tout ceci, elle me regarda en souriant ; je trouvai moyen de m’approcher de S. M., qui me dit alors à mi-voix : Détachez vos barbes, ou la comtesse en mourra. Tout ce mouvement venait des deux épingles maudites qui retenaient mes barbes, et l’étiquette du costume disait : Barbes pendantes. »

Ce fut cependant ce dédain des graves inutilités de l’étiquette qui devint le prétexte des premiers reproches adressés à la reine. De quoi n’était pas capable, en effet, une princesse qui pouvait se résoudre à sortir sans paniers, et qui, dans les salons de Trianon, au lieu de discuter la question de la chaise et du tabouret, invitait tout le monde à s’asseoir[1] ? Le parti anti-autrichien, toujours mécontent, toujours haineux, surveillait sa conduite, grossissait ses plus légers torts, et calom-

  1. On ne pardonnait pas même à la reine la suppression des usages les plus ridicules. Les respectables douairières, qui avaient passé leur innocente jeunesse à la cour de Louis XV, et même sous la régence, voyaient un outrage aux mœurs dans l’abandon des paniers. Madame Campan elle-même dit quelque part dans ses Mémoires, et presque avec regret, que les grandes fraises et les vertugadins, en usage à la