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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/282

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Pendant que le bonheur d’avoir donné un héritier au trône des Bourbons, et l’emploi du temps en fêtes et en plaisirs, remplissaient les jours heureux de Marie-Antoinette, la société était uniquement occupée de la guerre des Anglo-Américains. Deux rois, ou plutôt leurs ministres, excitèrent et propagèrent dans le Nouveau-Monde l’amour de la liberté : le roi d’Angleterre, en fermant son cœur et ses oreilles aux longues et respectueuses représentations de sujets éloignés de la terre natale, devenus nombreux, riches et puissans par la valeur du sol qu’ils avaient fertilisé ; le roi de France, en donnant des secours à ce peuple soulevé contre son ancien souverain. De jeunes militaires, tenant aux premières familles de l’État, suivirent l’exemple de M. de La Fayette, et se dérobèrent à tous les prestiges de la grandeur, à tous les charmes du luxe, des plaisirs, de l’amour, pour aller offrir leur valeur et leur instruction aux Américains révoltés. Beaumarchais, secrètement soutenu par MM. de Maurepas et de Vergennes, obtint de faire passer aux Américains des équipemens en armes et en vêtemens. Franklin avait paru à la cour avec le costume d’un cultivateur américain : ses cheveux plats sans poudre, son chapeau rond, son habit de drap brun, contrastaient avec les habits pailletés, brodés, les coiffures poudrées et embaumantes des courtisans de Versailles. Cette nouveauté charma toutes les têtes vives des femmes françaises. On donna des fêtes élégantes