Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/298

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me donner la mort. Elle jeta en ce moment son bras sur mon épaule, et se mit à verser de nouvelles larmes. Je vis qu’une grande et secrète peine déchirait son pauvre cœur ; qu’elle avait besoin d’une confidente, que ce devait être son amie. Je le lui dis, et lui proposai d’envoyer chercher la duchesse de Polignac : elle s’y opposa fortement. Je renouvelai mes motifs et mes instances pour lui procurer la consolation d’un épanchement dont elle avait besoin ; l’opposition devint moins forte. Je me dégageai de ses bras, et courus aux antichambres où je savais qu’un piqueur, prêt à monter à cheval, attendait toujours pour se rendre à l’instant à Versailles. Je lui ordonnai d’aller, au plus grand galop, dire à madame la duchesse de Polignac que la reine se trouvait très-incommodée, et la demandait sur-le-champ. La duchesse avait une voiture toujours prête. En moins de dix minutes, elle fut près de la reine. J’y étais seule, j’avais eu la défense de faire appeler d’autres femmes. Madame de Polignac entra : la reine lui tendit les bras, elle s’élança vers elle. J’entendis encore les sanglots et je sortis.

Un quart-d’heure après, la reine, devenue plus calme, sonna pour faire sa toilette. Je fis entrer ses femmes ; elle passa une robe et se retira dans son boudoir avec la duchesse. Bientôt après, le comte d’Artois arriva de Compiègne où il était avec le roi. Il traversa l’antichambre et la chambre, en demandant avec empressement où était la reine.