Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/311

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simplement mais clairement, et le mieux possible. Quelquefois même, prévenue du sujet des harangues, elle écrivait le matin ses réponses, non pour les apprendre par cœur, mais pour fixer les idées ou les sentimens qu’elle voulait y développer.

Le crédit de la duchesse de Polignac augmentait chaque jour ; ses amis en profitèrent pour amener des changemens dans le ministère. La disgrâce de M. de Montbarrey, homme sans talens et sans mœurs, fut généralement approuvée ; on l’attribuait avec raison à la reine ; il avait été placé au ministère par M. de Maurepas, et soutenu par sa vieille femme : l’un et l’autre furent, plus que jamais, déchaînés contre la reine et la société Polignac.

La nomination de M. de Ségur au ministère de la guerre, et celle de M. de Castries à celui de la marine, furent entièrement l’ouvrage de cette société. La reine craignait de faire des ministres ; sa favorite pleurait souvent quand les hommes de sa société la forçaient d’agir. Les hommes reprochent aux femmes de se mêler d’affaires, et, dans les cours, ce sont eux qui se servent de leur ascendant pour des choses dont elles ne devraient jamais s’occuper.

Le jour où M. de Ségur fut présenté à la reine, à raison de son nouveau poste, elle me dit : « Vous venez de voir un ministre de ma façon ; j’en suis bien aise pour le service du roi, car je crois le choix fort bon ; mais je suis presque fâchée de la part que j’ai à cette nomination ; je m’attire une responsabilité : j’étais heureuse de n’en point