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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/332

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La reine témoigna son mécontentement à toutes les personnes qui avaient aidé l’auteur du Mariage de Figaro à surprendre le consentement du roi pour la représentation de sa comédie. Ses reproches s’adressaient plus directement à M. de Vaudreuil pour l’avoir fait jouer chez lui. Le caractère violent et dominateur de l’ami de sa favorite avait fini par lui déplaire.

    pourvu qu’elles le voient en secret ; je ne me prête point à de pareilles fantaisies. J’ai donné ma pièce au public pour l’amuser et non pour l’instruire ; non pour offrir à des bégueules mitigées le plaisir d’en aller penser du bien en petite loge, à condition d’en dire du mal en société. Le plaisir du vice et les honneurs de la vertu, telle est la pruderie du siècle. Ma pièce n’est point un ouvrage équivoque. Il faut l’avouer ou la fuir.

    » Je vous salue, M. le duc, et je garde ma loge. »

    » C’est ainsi que cette lettre, ajoute Grimm, a couru huit jours tout Paris. D’abord on la disait adressée à M. le duc de Villequier, ensuite à M. le duc d’Aumont. Elle a été sous cette forme jusqu’à Versailles, où on l’a jugée, comme elle méritait de l’être, d’une impertinence rare ; elle a paru d’autant plus insolente que l’on n’ignorait pas que de très-grandes dames avaient déclaré que, si elles se déterminaient à voir le Mariage de Figaro, ce ne serait qu’en petite loge. Les plus zélés protecteurs de M. de Beaumarchais n’avaient pas même osé entreprendre de l’excuser. Après avoir joui de ce nouvel éclat de célébrité, soit qu’il le dût à ses propres soins ou à ceux de ses ennemis, M. de Beaumarchais fut obligé d’annoncer publiquement que cette fameuse lettre n’avait jamais été écrite à un duc et pair, mais à un de ses amis dans le premier feu du mécontentement. »

    Il fut prouvé que la lettre avait été écrite au président d’un parlement, et dès-lors l’indignation s’apaisa. Ce qui paraissait impertinent envers des hommes de la cour, ne l’était plus envers des hommes de robe.

    (Note de l’édit.)