Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur le rempart, on vous y révélera des choses de la plus haute importance… Un billet anonyme ainsi conçu, avec toutes les formes du mystère, l’heure indue de ce rendez-vous, tout pouvait paraître dangereux et suspect. Mais je ne me connaissais point d’ennemis, et ne voulant pas avoir à me reprocher d’avoir manqué une occasion peut-être unique pour le bien du service du roi, je me décidai à me trouver au lieu désigné. Cependant, à tout événement, je pris des précautions de prudence, en plaçant à une certaine distance, et sans pouvoir être vues, deux personnes sûres qui pourraient voler à mon secours à un cri convenu. Je trouvai au rendez-vous un homme en manteau et masqué. Il me remit des papiers à voix basse et contrefaite… « Vous m’avez inspiré de la confiance ; je veux, en conséquence, concourir au succès de l’ambassade de M. le prince de Rohan. Ces papiers vous diront les services essentiels que je puis vous rendre. Si vous les agréez, revenez demain à la même heure (à tel autre endroit ; il l’indiqua), et apportez-moi mille ducats. » Rentré à l’hôtel de France, je m’empressai d’examiner les papiers qui venaient de m’être remis. Leur contenu me causa la plus agréable surprise. Je vis que nous avions le pouvoir de nous procurer deux fois la semaine toutes les découvertes du cabinet secret de Vienne, le mieux servi de l’Europe. Ce cabinet secret avait, au dernier degré, l’art de déchiffrer en peu de temps les dépêches des ambassadeurs et des cours qui correspondaient avec sa cour. J’en eus la preuve par le déchiffrement de nos propres dépêches et de celles de notre cour, même celles qui étaient écrites avec le chiffre le plus compliqué et le plus récent ; que ce cabinet avait trouvé le moyen de se procurer les dépêches de plusieurs cours de l’Europe, de leurs envoyés et de leurs agens, par l’infidélité et l’audace des directeurs et maîtres de poste des frontières, soudoyés. À cet effet, on m’avait remis des copies de dépêches du comte de Vergennes, notre ambassadeur à Stockholm ; du