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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/415

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de madame de Guéménée. J’envoyai un courrier la chercher à Paris, et madame de Guéménée la lui donna le lendemain au soir. Elle la porta dès le jour suivant, et lorsque je parus à son dîner, elle me demanda comment je la trouvais coiffée. Je répondis, fort bien. Jamais, reprit-elle avec infiniment de grâces, je ne me suis trouvée si parée. Il eût assurément mieux valu qu’elle n’en eût pas parlé, car le duc de Coigny remarqua et la plume et la phrase ; il demanda d’où venait cette plume : la reine dit avec assez d’embarras que je l’avais rapportée à madame de Guéménée de mes voyages, et qu’elle la lui avait donnée. Le duc de Coigny en parla le soir à madame de Guéménée avec beaucoup d’humeur, lui dit que rien n’était plus ridicule et plus indécent que ma manière d’être avec la reine ; qu’il était inouï d’en faire aussi publiquement l’amoureux, et incroyable qu’elle eût l’air de le trouver bon. Il fut assez mal reçu, et songea aux moyens de m’éloigner. »

Si maintenant l’on rapproche la version de madame Campan de celle qu’on vient de lire, que verra-t-on ? Que M. de Lauzun offrit lui-même la plume de héron, et qu’elle ne lui fut pas demandée ; qu’on la porta par condescendance, et que, dans sa folle présomption, il osa prendre pour une faveur ce qui n’était rien qu’une chose polie. M. de Lauzun laisse bien entrevoir ses audacieuses espérances, mais il ne dit pas, dans ses Mémoires, quel en fut le prompt châtiment. L’humiliation qu’il dut éprouver quand la reine le bannit pour jamais de sa présence, explique le ressentiment d’un homme à bonnes fortunes, jaloux de sauver son amour-propre même aux dépens de l’honneur et de la vérité.


Note (P), page 177.

À une dame.

Madame,

Je ne crois pas qu’il soit dans les obligations d’un monarque d’accorder des places à un de ses sujets par la seule