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raison qu’il est gentilhomme. C’est cependant ce que l’on devrait conclure de la demande que vous m’avez adressée. Feu votre époux a été un général distingué, dites-vous, un gentilhomme de bonne maison ; et de cela vous concluez que mes bontés pour votre famille ne peuvent moins faire que d’accorder une compagnie d’infanterie pour votre second fils, arrivé naguère de ses voyages.

Madame, on peut être fils d’un général et n’avoir aucun talent pour commander. On peut être gentilhomme de bonne maison, et ne posséder d’autre mérite que celui que l’on tient du hasard, le titre de gentilhomme.

Je connais votre fils, et je sais ce qui fait le soldat ; cette double connaissance m’a convaincu que votre fils n’a pas le caractère d’un guerrier, et qu’il est trop préoccupé de sa naissance, pour que la patrie puisse espérer qu’il lui rende jamais des services importans.

Ce dont vous êtes à plaindre, Madame, c’est que votre fils n’est bon pour devenir ni officier, ni homme d’État, ni prêtre ; en un mot, qu’il n’est autre chose qu’un gentilhomme dans toute l’acception de ce mot.

Vous pouvez rendre grâce au sort qui, en refusant des talens à votre fils, l’a mis toutefois en possession de grandes propriétés qui peuvent l’en dédommager suffisamment, et qui lui permettent en même temps de se passer de mes faveurs.

J’espère que vous serez assez impartiale pour sentir les raisons qui m’ont porté à répondre à votre demande par un refus. Il peut vous contrarier, mais je l’ai regardé comme nécessaire. Adieu, Madame,

Votre bien affectionné,

Joseph.

Lachsenbourg, 4 août 1787.