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quand ils auront atteint l’époque d’un heureux loisir : vaine illusion des ambitieux, qu’ils n’entretiennent, pour la plupart, que comme un voile qui cache à leurs yeux la désolante image de leur inévitable disgrâce ! Quand elle est venue, le désespoir leur ôte la force de reporter leur attention sur ces temps d’un éclat qu’ils ne cesseront pas de regretter.

Cependant l’historien, qui est quelquefois embarrassé pour se décider entre les versions opposées que lui fournissent les contemporains, l’est bien davantage si les écrits lui manquent. Alors il s’en rapporte aux traditions, et se fie aux discours populaires ; il trace des portraits sur les caricatures politiques crayonnées par la haine ou la flatterie ; la calomnie se perpétue, et de nobles caractères demeurent noircis à jamais. Une entreprise mal conduite porte le nom de criminelle ; un coupable heureux devient un héros. L’histoire n’est plus une leçon : c’est un roman ou un recueil impur et décousu de libelles qui ont peut-être fait sourire de pitié celui-là même qui les écrivait.

Louis XVI avait l’intention d’écrire des Mémoires ; ses papiers secrets étaient classés dans un ordre qui indiquait son projet. La reine avait aussi le même dessein : elle a con-