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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/63

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existence[1]. Ils l’ont voulu ainsi ; ils ont pensé que c’était pour le mieux. C’était sa façon de parler quand les opérations des ministres n’avaient pas de succès. Le roi aimait à traiter lui-même la honteuse partie de ses dépenses privées. Il vendit un jour à un premier commis de la guerre une maison où il avait logé une de ses maîtresses ; le contrat fut passé au nom de Louis de Bourbon ; l’acquéreur porta lui-

  1. Tout ce que madame Campan dit ici de Louis XV s’accorde parfaitement avec le portrait que la Biographie universelle a tracé de ce prince :

    « Il conservait dans son palais, dit l’article qui lui est consacré, la magnificence de Louis XIV, mais n’y mêlait aucun caractère de grandeur. Il subissait, comme un esclave résigné, l’ennui d’étiquettes qu’il n’avait point inventées, et qui n’étaient de nul usage pour sa politique : l’insupportable ennui qu’il en ressentait irritait son goût pour les plaisirs clandestins. Tout son bonheur était de se réfugier dans ses petits appartemens, et d’échapper furtivement à son rôle de roi. Ce goût devint en lui si vif, ou du moins si habituel, qu’il en vint presque à se considérer comme un particulier dispensé de tout devoir envers l’État. De-là ce trésor particulier qu’il aimait à se former, et qu’il grossissait par des spéculations sur les grains ; de-là ces bizarres distractions qu’il portait jusque dans le conseil ; la déplorable promptitude avec laquelle il abandonnait un avis qu’il avait judicieusement énoncé ; enfin cet égoïsme paresseux qui lui faisait dire beaucoup de mots tels que ceux-ci : « Si j’étais lieutenant de police, je défendrais les cabriolets. » En public, son maintien était froid, son esprit un peu sec. Dans le commerce privé, c’était un homme aimable, un maître obligeant, facile, plein de compassion, un Français habitué à observer envers les femmes les prévenances de la galanterie les plus délicates, et richement doué de l’esprit vif de sa nation. »

    (Note de l’édit.)