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Tous les soirs à six heures, Mesdames interrompaient la lecture que je leur faisais, pour se rendre avec les princes chez Louis XV : cette visite s’appelait le débotter du roi, et était accompagnée d’une sorte d’étiquette. Les princesses passaient un énorme panier qui soutenait une jupe chamarrée d’or ou de broderie ; elles attachaient autour de leur taille une longue queue, et cachaient le négligé du reste de leur habillement, par un grand mantelet de taffetas noir qui les enveloppait jusque sous le menton. Les chevaliers d’honneur, les dames, les pages, les écuyers, les huissiers portant de gros flambeaux, les accompagnaient chez le roi. En un instant tout le palais, habituellement solitaire, se trouvait en mouvement ; le roi baisait chaque princesse au front, et la visite était si courte, que la lecture, interrompue par cette visite, recommençait souvent au bout d’un quart-d’heure : Mesdames rentraient chez elles, dénouaient les cordons de leur jupe et de leur queue, reprenaient leur tapisserie, et moi mon livre

Pendant l’été, le roi venait quelquefois chez les princesses avant l’heure de son débotter : un jour il me trouva seule dans le cabinet de madame Victoire, et me demanda où était Coche : et comme j’ouvrais de grands yeux, il renouvela sa question, mais sans que je le comprisse davantage. Quand le roi fut sorti, je demandai à Madame de qui il avait voulu parler. Elle me dit que c’était d’elle, et m’expliqua d’un grand sang-froid qu’étant la plus grasse de ses filles,