Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 1.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le roi lui avait donné le nom d’amitié de Coche ; qu’il appelait madame Adélaïde Loque, madame Sophie Graille, madame Louise Chiffe. Le piquant des contrastes pouvait seul faire trouver au roi quelque gaieté dans l’emploi de mots semblables. Les gens de son intérieur avaient remarqué qu’il en savait un grand nombre, et on pensait qu’il les apprenait avec ses maîtresses ; peut-être aussi s’était-il amusé à les chercher dans les dictionnaires. Si ces façons de parler triviales trahissaient ainsi les habitudes et les goûts du roi, ses manières ne s’en ressentaient nullement ; sa démarche était aisée et noble ; il portait sa tête avec beaucoup de dignité ; son regard, sans être sévère, était imposant ; il joignait à une attitude vraiment royale une grande politesse, et saluait avec grâce la moindre bourgeoise que la curiosité attirait sur son passage.

Il était fort adroit à faire certaines petites choses futiles sur lesquelles l’attention ne s’arrête que faute de mieux ; par exemple, il faisait très-bien sauter le haut de la coque d’un œuf d’un seul coup de revers de sa fourchette : aussi en mangeait-il toujours à son grand couvert, et les badauds qui venaient le dimanche y assister, retournaient chez eux, moins enchantés de la belle figure du roi, que de l’adresse avec laquelle il ouvrait ses œufs.

Dans les sociétés de Versailles, on citait avec plaisir quelques réponses de Louis XV qui prouvaient la finesse de son esprit et l’élévation de ses