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Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/168

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raient avoir la gloire de diriger le roi par l’influence qu’ils croyaient avoir acquise sur l’esprit de la reine. On fit aussi consulter des gens connus par leurs lumières, mais qui n’étaient d’aucun conseil ni d’aucune assemblée. De ce nombre fut un M. Dubucq, ancien intendant de la marine et des colonies. Il répondit par cette seule ligne : Empêchez le désordre de s’organiser.

Les opinions semblables à celles du sentencieux et laconique M. Dubucq tenaient à l’esprit du parti aristocratique, qui préférait tout, même les jacobins, à l’établissement des lois constitutionnelles, et qui appréhendait essentiellement qu’une acceptation

    exécution ait mis la nation à portée de l’apprécier par ses effets. Mais me serait-il permis de demander au roi si l’opinion de la reine, sur ce point, est conforme à la sienne ? — Oui, certainement ; elle vous le dira elle-même. » Un moment après je descendis chez la reine, qui après m’avoir témoigné avec une extrême bonté combien elle partageait l’obligation que le roi m’avait d’accepter le ministère dans des circonstances aussi difficiles, ajouta ces mots : « Le roi vous a fait connaître ses intentions relativement à la constitution ; ne pensez-vous pas que le seul plan à suivre est d’être fidèle à son serment ? — Oui, certainement, Madame. — Hé bien, soyez sûr qu’on ne nous fera pas changer. Allons, allons, M. Bertrand, du courage ; j’espère qu’avec de la patience, de la fermeté et de la suite, tout n’est pas encore perdu. » (Mémoires particuliers pour servir à la fin du règne de Louis XVI, par M. Bertrand de Molleville, ministre et secrétaire d’État sous ce règne, tome I, p. 101-103.)

    (Note de l’édit.)