Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 2.djvu/72

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Ce fut dans le courant de juillet que le régiment des gardes-françaises, déjà insurgé à la fin de juin, abandonna ses drapeaux. Une seule compagnie de grenadiers resta fidèlement à son poste à Versailles : M. le baron de Leval en était le capitaine. Il venait me prier tous les soirs de rendre compte à la reine de la disposition de ses soldats ; mais M. de La Fayette leur ayant fait parvenir un billet, ils désertèrent tous dans la nuit, et furent joindre leurs camarades enrôlés dans la garde de Paris ; et Louis XVI, en s’éveillant, ne vit plus de gardes aux postes qui leur étaient confiés.

On connaît les décrets insensés du 4 août, qui détruisaient tous les priviléges[1]. Le roi sanctionna

  1. « Ce fut la nuit du 4 août, dit Rivarol dont les Mémoires feront partie de cette collection, que les démagogues de la noblesse, fatigués d’une longue discussion sur les droits de l’homme et brûlant de signaler leur zèle, se levèrent tous à la fois, et demandèrent à grands cris les derniers soupirs du régime féodal. Ce mot électrisa l’Assemblée.....

    » Le feu avait pris à toutes les têtes. Les cadets de bonne maison, qui n’ont rien, furent ravis d’immoler leurs trop heureux aînés sur l’autel de la patrie ; quelques curés de campagne ne goûtèrent pas avec moins de volupté le plaisir de renoncer aux bénéfices des autres ; mais, ce que la postérité aura peine à croire, c’est que le même enthousiasme gagna toute la noblesse ; le zèle prit la marche du dépit : on fit sacrifices sur sacrifices. Et comme le point d’honneur chez les Japonais est de s’égorger en présence les uns des autres, les députés de la noblesse frappèrent à l’envi sur eux-mêmes, et du même coup sur leurs commettans. Le peuple, qui assistait à ce noble combat, augmentait