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à l’état de couturière et de brodeuse. Cette petite fille était jolie, blonde et d’un maintien très-modeste. Six ans après l’époque où mon père lui avait interdit l’entrée de sa maison, le duc de La Vrillière, alors M. le comte de St.-Florentin, fit demander mon père : « Avez-vous, lui dit-il, à votre service une femme âgée nommée Pâris ? » Mon père lui répondit qu’elle nous avait élevées et était encore chez lui. « Connaissez-vous sa jeune nièce ? » reprit le ministre. Alors mon père lui dit ce que la prudence d’un père, qui désire que ses enfans n’aient jamais que d’utiles liaisons, lui avait suggéré il y avait six ans. « Vous avez agi bien prudemment, lui dit M. de Saint-Florentin ; depuis quarante ans que je suis au ministère, je n’ai pas encore rencontré une intrigante plus audacieuse que cette petite grisette : elle a compromis dans ses mensonges notre auguste souverain, nos pieuses princesses, mesdames Adélaïde et Victoire, et l’estimable monsieur Baret, curé de Saint-Louis, qui, dans ce moment, est interdit de ses fonctions curiales jusqu’à l’éclaircissement parfait de cette infâme intrigue ; la petite personne est à la Bastille en ce moment. Imaginez-vous, ajouta-t-il, qu’à l’aide de ses astucieux mensonges, elle a soustrait plus de soixante mille francs à divers gens crédules de Versailles : aux uns elle affirmait qu’elle était maîtresse du roi, se faisait accompagner par eux jusqu’à la porte de glace qui ouvre dans la galerie, entrait dans l’appartement du roi par cette porte