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nouvelle de l’assassinat du roi, il s’était rendu précipitamment chez Sa Majesté. Je ne puis répéter les

    — Ce n’est rien, reprit-il, mais j’avoue que j’ai eu une grande surprise. Cet homme a paru tout interdit. Que faites-vous ici ? lui ai-je dit d’un ton assez poli. Il s’est mis à genoux en me disant : Pardonnez-moi, Sire, et avant tout, faites-moi fouiller. Il s’est hâté de vider ses poches ; il a ôté son habit, tout troublé, égaré. Enfin, il m’a dit qu’il était cuisinier de ..... et ami de Beccari qu’il était venu voir ; et que s’étant trompé d’escalier, et toutes les portes s’étant trouvées ouvertes, il était arrivé jusqu’à la chambre où il était, et dont il serait bien vite sorti. J’ai sonné, et Guimard est entré, et a été fort surpris de mon tête-à-tête avec un homme en chemise. Il a prié Guimard de passer avec lui dans une autre pièce, et de le fouiller dans les endroits les plus secrets. Enfin, le pauvre diable est rentré et a remis son habit. Guimard me dit : C’est certainement un honnête homme qui dit la vérité, et dont on peut, au reste, s’informer. Un autre de mes garçons de château est entré, et s’est trouvé le connaître. Je réponds, m’a-t-il dit, de ce brave homme qui fait, d’ailleurs, mieux que personne, du bœuf à l’écarlate. Voyant cet homme si interdit qu’il ne savait trouver la porte, j’ai tiré de mon bureau cinquante louis. Voilà, Monsieur, pour calmer vos alarmes. Il est sorti après s’être prosterné. » Madame se récria de ce qu’on pouvait ainsi entrer dans la chambre du roi. Il parla d’une manière très-calme de cette étrange apparition ; mais on voyait qu’il se contraignait, et que, comme de raison, il avait été effrayé. Madame approuva beaucoup la gratification : elle avait d’autant plus de raison, que ce n’était pas la coutume du roi. M. de Marigny, me parlant de cette aventure que je lui avais racontée, me dit qu’il aurait parié mille louis contre le don de cinquante louis, si toute autre que moi lui eût raconté ce trait. (Journal de madame du Hausset.)

    (Note de l’édit.)