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Dumouriez, l’un des membres du ministère jacobin. Madame Roland, qui n’avait pu obtenir, des insinuations de son mari qu’elle gouvernait, que le roi sanctionnât le décret sur les émigrés et sur les prêtres, composa la fameuse lettre impérieuse de son mari au roi, qui le menaçait d’une autre révolution. La résistance du trône au vœu des peuples, disait-elle, la rendra nécessaire. Elle se donnait l’air de prophétiser, de conseiller et de conduire les destinées de l’État. Elle parlait de l’utilité et de l’obligation d’exécuter ces deux décrets. Le roi, devenu inflexible sur la sanction des décrets qui lui avaient été présentés, méditait déjà dans l’histoire sur les derniers malheurs de Charles Ier. L’abolition de l’épiscopat, que ce prince ne voulut jamais abandonner aux presbytériens, avait été la grande cause de ses malheurs. Louis XVI renvoya donc avec des billets très-laconiques Roland, Servan et Clavières. Roland porta sa lettre au corps législatif qui approuva sa conduite. L’Assemblée invectiva le roi, et déclara que les ministres renvoyés emportaient les regrets de la nation. Les chefs de la Gironde préparèrent en même temps une insurrection. Clavières, qui en avait appris l’art à Genève, en avait indiqué les moyens à Mirabeau, l’enseigna aux chefs de la Gironde, aux frais de l’Angleterre. La terreur inspirée à Louis avait causé l’élévation de ce ministère ; la terreur du roi, mieux éclairée, les précipita, et ils avaient encore recours à la terreur pour se relever de la disgrâce du prince.

» La guerre ne fut pas plutôt déclarée, que les dénonciations contre la cour roulèrent sur des intelligences secrètes avec les ennemis. Servan, ministre de la guerre, n’était pas capable de leur abandonner ni les intérêts de la constitution, ni le territoire. Il était d’ailleurs du parti des accusateurs de ce projet. Brissot et Gensonné continuèrent leurs dénonciations en citant le cabinet autrichien. La reine avait effectivement près d’elle quelques personnages qui partageaient ses affections et secondaient ses vues ; mais les intrigues de ce parti étaient si impuissantes, les royalistes de 1788, dont les opinions étaient si oppo-