Page:Campan - Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, tome 3.djvu/99

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Je n’ai point rapporté ces couplets pour leur mérite littéraire, mais bien pour fixer l’opinion qui existait le plus généralement à Paris, sur Louis XVI et Marie-Antoinette, cinq années juste avant l’ébranlement général et funeste que subit la monarchie française.

Il a donc fallu, pour produire un changement si total dans l’ancien amour du peuple pour ses souverains, la réunion des principes de la philosophie moderne à l’enthousiasme pour la liberté, puisé dans les champs de l’Amérique ; et que cette fureur de novation et cet élan aient été servis par la faiblesse du monarque, par la constante corruption de l’or des Anglais, et par les projets de vengeance ou d’ambition du duc d’Orléans. Qu’on ne croie pas cette accusation basée sur celle tant de fois répétée par les chefs du gouvernement français depuis la révolution. Deux fois, entre le 14 juillet 1789 et le 6 octobre de la même année, jour où la cour fut traînée à Paris, la reine m’avait empêchée d’y faire de petits voyages d’affaires ou de plaisirs, me disant : « N’allez pas tel jour à Paris ; les Anglais ont versé de l’or, nous aurons du bruit. »

Les voyages continuels de ce prince en Angleterre avaient amené l’anglomanie à un tel degré, que l’on ne pouvait plus distinguer Paris de Londres. Le Français, constamment imité par l’Europe entière, devint tout-à-coup un peuple imitateur, sans songer au mal que l’on faisait aux arts et