Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/147

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membres du cercle furent unanimes à blâmer Velard d’une union si scandaleuse, mais les croupiers l’approuvèrent.

La figure du petit se transformait comme son caractère. Elle s’amaigrissait encore. Son nez ne paraissait plus aussi pointu, et les pommettes de ses joues ressortaient. Il s’aperçut de ce changement, un matin, en arrangeant sa cravate, et pensa :

— Je me fais de la bile avec cette femme-là.

Il se faisait en effet, de la bile, continuellement. Emma allait trop souvent aux premières, dans des bals et dans des fêtes où les hommes lui disaient des galanteries. Elle connaissait tous les amis de Farjolle et plusieurs rôdaient autour d’elle. Impossible pourtant de lui adresser des reproches. Emma ne cessait pas d’être simple, réservée et modeste. Il essaya en vain de surprendre dans son attitude ou dans ses paroles la moindre intention de coquetterie. Cela ne l’empêchait pas d’être d’une jalousie extrême. Lui qui évitait les querelles avec tant de soin, qui ne s’était jamais battu en duel quoiqu’il en eût eu déjà l’occasion, se sentait des envies de provoquer les gens.

Et, à cette soirée d’inauguration du Cirque anglo-français, il était nerveux et agité parce que Farjolle et Emma causaient avec Letourneur, le banquier. Sans qu’il sût pourquoi, Letourneur l’agaçait particulièrement. Un rival, Letourneur ? Non, Velard ne pouvait croire une pareille sottise. Letourneur était immensément riche, mais usé de corps, vilain de figure et assez sale. À cinquante-cinq ans, il courait les coulisses de théâtre, mais payait fort cher ses succès. Il se montrait très impertinent avec les femmes.