Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/35

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veille et échangeaient des considérations sur le jeu.

La table la plus bruyante était près de la porte, en entrant. Les habitués, des remisiers, deux rédacteurs d’un journal du soir qui sortaient de l’imprimerie et Brasier, qui avait au cercle une grande réputation d’esprit, se plaignaient à haute voix des imperfections du service et exigeaient des plats supplémentaires. Dès qu’un membre du cercle pénétrait dans la salle à manger, ils racontaient immédiatement sur son compte quelque histoire malpropre qui égayait le repas. Brasier surtout excellait dans ces sortes de récits et il les disait d’une façon froide très comique. Il passait pour un homme roublard parce qu’il possédait des rentes et ne les perdait pas au jeu. Il les augmentait, au contraire, par une conduite habile et prudente au baccarat, et de la veine.

Il était grand, brun, très vigoureux et ne craignait pas les bagarres… Farjolle arriva, donna deux ou trois poignées de main, et demanda à quelqu’un :

— Avez-vous vu Paul Velard, ce matin ? J’ai à lui parler.

Brasier répondit :

— Non, il n’est pas encore venu, mais il ne tardera pas. Déjeunez donc avec nous, en attendant. Comment se fait-il qu’on ne vous rencontre jamais, vous ? Rangé ?

— Marié depuis un mois.

— Compliments : ça ne se voit pas trop.

Brasier entama sa côtelette et déclara avec dégoût qu’elle était immangeable. Puis se tournant vers Farjolle :

— Il est en retard, le petit, aujourd’hui.