Page:Capus – Qui perd gagne.djvu/82

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dation, ayant toujours au moins un amant, qu’elles changeaient deux ou trois fois l’année. Dans ce cas-là, il n’y a qu’à se mettre sur les rangs, le tour de chacun arrive fatalement un jour ou l’autre.

— Oh ! le joli costume ! dit Emma en se penchant et en lui désignant une artiste.

— Elle en a bien besoin, la pauvre petite, répliqua Velard, car elle est très mal faite.

Emma dit ironiquement : « Ah ! »

— Du moins, c’est le bruit qui court… Je n’en sais rien.

Elle mangea un bonbon. La conversation tomba de nouveau. Le rideau baissa. Pendant l’entr’acte, Velard proposa de faire un tour au foyer et continua de chercher dans son esprit la tournure de phrase qui ne vint pas. Il dut se contenter de galanteries quelconques. Au dernier acte, il prit une résolution.

Il avança légèrement son pied, effleura le pied d’Emma et s’arrêta. Le pied ne remua pas. Sans avoir l’air de s’en apercevoir, elle lui dit :

— Il y a trop de calembours dans la pièce, c’est fatigant.

Il pressa un peu plus fort et, tout le temps que dura l’acte, resta dans cette position, parlant à peine, envahi d’une vague émotion. Le visage d’Emma semblait pareil, souriant sans contrainte. À la fin de la pièce Velard était troublé et heureux. Mais lorsqu’elle se leva, il constata avec stupéfaction qu’il touchait le pied de la chaise et non celui d’Emma, et il fut étonné des résultats auxquels on parvient avec un morceau de bois et de l’imagination.

Il en ressentit un violent découragement, comme si elle l’eût méprisé et repoussé.