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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/140

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compter. Et lorsqu’à son réveil la malheureuse s’apercevait qu’il lui fallait reprendre, mais autrement, sa tâche quotidienne, elle se blottissait contre Lampieur et quelquefois se mettait à pleurer.

De son côté, Lampieur, les yeux ouverts, croyait voir se dérouler les formes vagues qui, de toutes parts, l’avaient entouré dans son rêve. Il les voyait. Il en discernait l’apparence, puis tout ce monde s’évanouissait sans raison, comme sous une influence magique, et Lampieur se trouvait en présence de Léontine qui ne lui était plus d’aucun secours.

Ces réveils exerçaient sur eux une profonde dépression qui ne faisait que s’aggraver, car plus Lampieur et Léontine tâchaient à se soustraire à leur tourment, plus ils étaient contraints d’y retourner. Aussi, quel intérêt voulait-on que ces deux êtres pussent prendre à autre chose ? Dans la rue, dans les bars, rien ne les distrayait d’eux-mêmes. Ils avaient beau, parfois, se méfier des gens dont ils se sentaient observés… c’était en pure perte… Ces gens leur paraissaient aussitôt incohérents,