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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/143

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Que de fois, elle avait imaginé ce crime et s’était mise à la place de Lampieur pour mieux approcher sa souffrance et la partager avec lui ! Un besoin de se dévouer dévorait Léontine… Il l’habitait. Il ne la quittait point et, à la fin, la malheureuse lui devait cent consolations… La femme qu’elle était devenait, de la sorte, une autre femme. Rien ne la rebutait. Chez Fouasse, par exemple, quand elle s’accoudait à la table après le départ de Lampieur, elle n’éprouvait aucune vexation qu’il fût parti sans lui avoir parlé : elle le suivait par la pensée, au contraire, avec une tendresse humble et résignée. Elle l’accompagnait. Elle souhaitait qu’il eût quelque repos et, s’il l’avait fallu, elle aurait été prête à le lui assurer par le sacrifice du sien.

Mais le repos que pouvait goûter Léontine était si misérable qu’il n’aurait su tenter personne… Pouvait-on appeler de ce nom l’état d’anxiété et de détresse dans lequel elle se débattait ? La malheureuse se levait ; elle sortait du bar et, loin de reprocher à Lampieur de l’avoir éveillée à de pareils sentiments, elle lui en