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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/174

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et découpait sur des lumières une silhouette active, tournait, disparaissait. D’autres se dirigeaient en sens inverse. Puis d’immobiles prostituées sortaient de l’ombre et accostaient les hommes. Léontine les voyait de loin, avec une extrême précision, aller, venir, s’effacer, reparaître. Elle distinguait aussi, dans la perspective de la rue, deux agents qui, devant un débit, se promenaient à pas très lents et, à peu près à leur hauteur, un taxi arrêté à la porte d’un hôtel.

Ce taxi, les agents, les cinq ou six prostituées et, par instant, un passant de hasard, ne troublaient guère, comme ils étaient échelonnés, l’atmosphère endormie de la rue… Au contraire, par leur silencieuse et anodine présence, ils ajoutaient à son caractère d’assoupissement et de stagnante tranquillité. Léontine en fit la remarque. Elle-même, dans le chemin qu’elle parcourait, avançait doucement, sans bruit, comme ces gens qu’elle suivait là-bas des yeux, et elle goûtait une impression baroque et décousue. À l’entour, les façades, appuyant sur le ciel, hissaient vers lui leurs étages pleins de