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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/179

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Cependant, ne se sentant pas à son aise, Léontine se dirigea vers les Halles pour corriger, par le spectacle de leur bruyante animation, l’impression pénible qu’elle avait éprouvée et qu’elle avait du mal à dissiper. Là, dans le brouhaha des voitures et l’affairement des équipes, elle se trouva moins anxieuse. Ces hommes, qui alignaient soigneusement sur les trottoirs des caisses ou des paniers, lui occupaient les yeux. Elle les regarda. Puis son attention se fixa sur les pavillons de la boucherie, à droite, où des individus, ployant sous d’énormes quartiers de viande, les portaient des voitures à des crocs et les y suspendaient. Une odeur fade, écœurante, imprégnait l’air. Ailleurs, dans des renfoncements, des marchands de saucisses, de frites et de lard distribuaient à leurs clients des portions à vingt sous. On faisait queue devant leurs étalages comme devant celui d’une vieille femme qui emplissait de soupe la gamelle que chacun, à son tour, lui tendait. Léontine dépassa tous ces gens qui mangeaient. Elle n’avait pas faim. Par moments, glissant sur d’infâme détritus,