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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/180

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elle prenait garde à mieux poser le pied. Ici l’on déchargeait de très hauts tombereaux de choux ; là, des salades ; plus loin, d’autres légumes. Une senteur de terre et d’eau, fraîche, abondante, s’échappait des voitures. Elle évoquait soudain des coins de potagers aux plates-bandes bien arrosées, comme il en est aux environs des villes, et Léontine se rappela des impressions de dimanche, en banlieue, quand elle allait voir son enfant et faire, en l’aidant à marcher, un tour dans le jardin… Alors, elle était presque heureuse. Sa vie avait un sens… Elle se bornait à amasser, chaque semaine, la pension du petit, à lui acheter des jouets, des vêtements, du linge, des gâteries… Dieu ! que la malheureuse mettait d’amour dans ces soins, qu’elle en ressentait d’intime plaisir et d’attendrissement ! Puis l’enfant était mort… On l’avait enterré là-bas, dans la campagne, et Léontine, aux senteurs fortes qu’elle respirait, leur trouvait à présent comme l’arrière-goût d’un souvenir affreux qui lui remettait en mémoire la fosse étroite où reposait son fils. Elle revécut, par la pensée, tout son chagrin. Elle