Aller au contenu

Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le ressuscita d’entre mille sensations, au point de retrouver jusqu’au travers de lui, la matinée grise et pluvieuse de mai qu’il avait fait le jour du pauvre enterrement, dans ce pays où personne ne la connaissait. Oui, c’était bien la même odeur de terre fraîchement remuée dont Léontine s’était gorgée avec ses larmes. Elle ne l’avait pas oubliée : c’était une odeur de jardin, presque agréable à savourer, presque compatissante. Quelle étrangeté ! Et il n’avait été besoin que d’elle, cette nuit, dans un endroit si peu propice à ce lugubre retour sur soi, pour que Léontine apportât à souffrir un excessif empressement.

Tout vraiment l’y portait. Sa rupture avec Lampieur, sa lâcheté vis-à-vis de lui, ses imaginations, ses terreurs… Pouvait-elle le nier ? De si pénibles circonstances avaient agi sur Léontine. Elles avaient préparé la voie aux pires détresses et disposé si bien la malheureuse à se faire mal soi-même qu’elle y puisait une sorte de douloureuse satisfaction. Au moins tant de tourments et d’épreuves dépassaient la mesure. Léontine en comptait le nombre : il lui semblait