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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/194

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le rassurait qu’à demi. Il avait peur. Il suait de peur dans son lit et Léontine, qui ne dormait pas plus que Lampieur, se sentait, elle aussi, saisie par une horreur qui la glaçait et la pénétrait jusqu’aux os.

Cependant, plusieurs jours s’écoulèrent de la sorte sans que rien se produisît. Lampieur avait repris son travail. Léontine l’y accompagnait, mais elle n’avait pas le courage ensuite de se promener dans les rues comme avant, ni d’aller dans le bar où Lampieur la rejoignait. Entre ce bar et la boulangerie, la terrible maison se dressait. Léontine descendait alors vers les Halles. Elle y retrouvait ses compagnes et, se mêlant à elles, la malheureuse en était ranimée. Chez Fouasse, où elles allaient ensemble, Léontine leur offrait à boire ; elle répondait à leurs questions ; elle leur parlait pour s’étourdir. Cela lui était agréable. Cela la changeait de Lampieur et des affreux moments qu’elle vivait avec lui… Puis Lampieur survenait. Il s’asseyait à la table de Léontine et les filles — après avoir choqué leurs verres contre le sien — s’éclipsaient et les laissaient seuls.