Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/21

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visage, l’idée ne venait à personne qu’il pût cacher, sous des dehors semblables, autre chose qu’une espèce d’honnête homme bourru, d’une quarantaine d’années et sans aucune conversation. De fait, il ne parlait jamais. Il écoutait les uns se plaindre des mégots qui devenaient rares et les autres des métiers qu’ils faisaient… et des flics… Il écoutait et regardait. Et l’on ne s’occupait de lui que lorsqu’il reposait son verre sur le comptoir, en déclarant :

— Patron ! du même !

Aujourd’hui, cette réserve qu’il n’avait cessé de montrer — quelque question qu’on agitât à ses oreilles — permettait à Lampieur de garder le silence lorsque après la lecture des journaux, par exemple, M. Fouasse émettait son avis sur le crime.

— Oui, oui, disait Lampieur… bien sûr !

— Et vous verrez, monsieur François… poursuivait le patron du débit, qu’ils ne l’auront pas de sitôt, le lascar !

— Ah !

— Par exemple ! Qu’est-ce que vous pariez ?

Lampieur ne pariait pas. Il hochait la tête