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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/212

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une opinion que rien ne paraissait justifier et qui, pourtant, lui apporta quelque répit. Il se jugeait si différent des autres qu’il n’eut pas de peine à le croire ; mais, s’il le crut, il s’aperçut bientôt qu’il valait mieux ne pas le dire et il s’y appliqua. Son amour-propre y puisa d’âpres satisfactions. Puis, par la force des choses, ces mêmes satisfactions décrurent en intensité et Lampieur revint à son inquiétude, et en dirigea les effets contre lui.

Dès lors tout le dégoûta de sa vie ; il épuisa plusieurs semaines dans une humeur incohérente, se tourmenta, se fit grief de ne pas réagir et attendit qu’une occasion se présentât de mesurer son audace et mériter au moins de ne pas déchoir à ses propres yeux. Or, Lampieur avait toujours manqué d’audace et il se demandait avec anxiété à quelle épreuve il devrait se soumettre quand, un matin, dans la boulangerie, une certaine Mme Courte, concierge, s’était ingénument plainte de conserver, à chaque terme, l’argent de la maison.

Ce jour-là, quoi qu’il tentât pour rester impassible, Lampieur ne fut pas maître de lui. Il ne