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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/221

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question terrible qu’il se posait devenait plus pressante et lui faisait hâter le pas.

Durant le court trajet que parcourut Lampieur pour arriver à la hauteur de la boulangerie, cette question l’assiégea si étroitement qu’il faillit s’arrêter en route et se laisser tomber par terre dans le ruisseau. Pourquoi souffrait-il à ce point ? La vision de tout à l’heure crevait en lui et le gorgeait de sensations abjectes. Il n’en pouvait plus supporter le goût ni l’atroce répulsion. Ses jambes se dérobaient. Ses yeux s’emplissaient de vertige. Il étouffait. Il gémissait. Il aurait préféré mourir vingt fois plutôt que vivre dans de telles conditions et il était pris d’un effroi sans limite à l’idée que, peut-être, il devrait approcher une plus secrète et plus abominable horreur.

C’est que, maintenant, Lampieur s’accusait d’être l’auteur de sa propre détresse et qu’il désespérait, même en cédant aux plus cruels remords, de fléchir le destin. Il regrettait son crime. Il en avait un débordant dégoût. Sa conscience se révoltait… Pouvait-il s’abaisser davantage ? Il l’aurait fait. Il se serait traîné sur