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Page:Carco - L'Homme traqué, 1922.djvu/232

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que personne désormais ne s’intéresserait à lui.

Cela porta au comble le sentiment d’égarement où il était et il souffrit de se sentir dans un isolement si absolu. Pourquoi s’obstiner davantage ? Lampieur n’opposa plus de résistance à rien ; il suivit des trottoirs, entra et s’assit dans des bars, se leva, s’en alla et minuit puis la demie sonnant, des magasins s’ouvrirent, sans qu’il s’en aperçût.

… Quelquefois, cependant, dans les débits dont il poussait la porte, Lampieur voyait toutes sortes de gens réunis à des tables et vidant des chopines. Il ne comprenait pas pourquoi ces gens se trouvaient là. Pourquoi le regardaient-ils s’approcher du comptoir et boire d’un trait le petit verre de rhum qu’il se faisait servir ? Il soupçonna ces gens de savoir où était Léontine. Puis il buvait un second petit verre… un troisième petit verre… et il changeait d’établissement en gardant, dans l’esprit, la secrète conviction que personne n’ignorait où se trouvait la malheureuse et qu’on faisait exprès de ne pas le lui dire. Cette conviction s’implantant plus profondément en lui, Lampieur