Entrant dans la même voie, l’Autriche émancipe les paysans de la Bohème, de la Moravie, de la Hongrie, de la Servie. — La population de serf qui occupe le sol est transformée en propriétaires libres à des conditions analogues à celles qui ont réglé le changement en Prusse. Qu’en résultera-t-il ? La terre et le travail circulant désormais librement, la proportion du capital filé an capital flottant doit rapidement s’élever.
Plus s’accroît la sécurité offerte à la propriété et plus celle-ci tend à se fixer d’une manière durable ; moindre est la sécurité, plus le capital tend à rester mobile et flottant. De tous les pays de l’Europe, la France a le plus travaillé à prévenir l’existence de ce sentiment de sécurité extérieure ou intérieure qui est indispensable pour assurer la conversion du capital mobile en capital fixe et développer la rapidité de circulation. À partir de l’époque de Pépin et de Charlemagne, ses armées ont envahi tour à tour l’Espagne, les Pays-Bas, la Hollande, l’Italie et l’Allemagne ; et sa dépense folle de richesse en Asie dans le cours du moyen âge s’est renouvelée de nos jours presque sur la même échelle dans les campagnes de Russie, d’Égypte et en Algérie.
C’est surtout à elle que l’Europe fut redevable de cette perfection de l’anarchie qu’on a nommé le système féodal, dont toutes les tendances étaient pour la consolidation de la terre, le développement de l’esclavage et la suppression de la circulation sociétaire. La terre n’ayant que très-peu de valeur, les changeurs de monnaie, tant royal que plébéien, régnaient souverainement. La propriété du royaume presque entière avait le caractère mobilier. À la fin du dix-septième siècle, la terre était consolidée au point d’être en presque totalité dans les mains de l’Église et de quelques grands seigneurs, — ne payant aucune taxe et se partageant entre eux toutes les fonctions qui donnaient l’argent et le pouvoir, — et absorbant ainsi tous les impôts payés par la petite part de population qui cultivait ses propres terres ou exerçait quelque autre travail. La consolidation était la conséquence infaillible d’un système tel que celui de Louis XIV, qui chassait par centaines de mille la population
le produit brut des petits domaines, mais aussi le produit net qui s’est accru, et que le produit net par acre de terre affermé par les petits propriétaires est plus considérable que le produit net de l’acre affermé par les grands propriétaires. (Kay, Social condition of England and of Europe, vol. I, p. 116).