Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 3.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la plus active et la plus industrieuse en même temps qu’il entretenait continuellement la guerre au dehors, — levant d’incessantes contributions d’hommes et des impôts si exorbitants que plus de la moitié de la production du sol passait à les acquitter. Dans de telles conditions la circulation n’existait qu’à peine, la terre demeurait en friche tandis que la population mourait de faim faute de trouver à vendre son travail.

Vint la Régence. Elle enfanta le projet du Mississippi, projet qui fut peut-être la première suggestion des grands avantages résultant de l’accroissement de facilité du transfert de la propriété foncière. Le système fit banqueroute, — tout en ruinant bien des gens il en enrichit d’autres — et opéra de nombreux transferts de la propriété immobilière. « Le mutations innombrables qui s’effectuèrent sons l’influence du système commencèrent le morcellement de la propriété dont la France a tiré de si grands avantages. L’esprit d’entreprise s’empara de toutes les classes de la société et la puissance de l’association, inconnue jusqu’alors, se révéla par des combinaisons neuves et hardies dont nos opérations actuelles de crédit ne sont que des imitations[1]. »

D’autres circonstances cependant, que M. Blanqui passe sous silence, eurent encore bien plus de part à ces changements. Le système de Colbert, mis énergiquement en pratique, développa de plus en plus la diversité des professions, et ce fut elle par conséquent elle qui amena la division de la terre et l’amélioration de l’agriculture[2]. La production s’accrut et la population des campagnes, dit M. de Jonnès, « qui, sous le grand roi, ne mangeait de pain que trois jours par semaine, et seulement deux jours sur ces trois jours sous le règne dé Louis XV, recueillit l’heureux effet du progrès sous Louis XVI ; elle put manger du pain pendant les trois-quarts de l’année. » — Et cela malgré un système d’impôts écrasants dont l’histoire n’offre point d’autre exemple chez une société aspirant à être libre. Sur douze parts des produits de la terre, près de sept et demi allaient au roi et trois et demi au propriétaire du sol. — Il ne restait qu’un douzième pour les services de l’homme par qui la production s’était opérée. Environ un tiers du sol était dans les mains de petits propriétaires, et ils portaient le

  1. Blanqui, Histoire de l’économie politique, vol. II, p. 86.
  2. Voyez à ce sujet ce que nous avons dit précédemment, vol. II, ch. xxi, § 5.