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fardeau de ces charges exorbitantes qui ont tant contribué à amener la révolution. Tout pesant qu’il était, il ne représente qu’une partie des maux résultant d’un système qui tendait à anéantir toute circulation[1].

La Révolution balaya le clergé et la noblesse, et leur propriété, qui formait les deux tiers du royaume, fut divisée. Les monopoles des corporations eurent bientôt le même sort, et les obstacles à la circulation disparurent en grande partie. Les heureux résultats de ce changement se manifestent par ces faits : que, nonobstant un énorme écoulement d’argent et d’hommes, la population des campagnes a augmenté dans l’espace des vingt-deux années suivantes de trente-trois et un tiers pour cent, — en même temps que la rémunération du travail s’élevait ; — le salaire moyen annuel de la famille agricole en 1788 était calculé à 161 francs, il s’élève aujourd’hui à 400 francs, et le prix du blé n’a augmenté que de trente pour cent ; Ses membres mangent du pain chaque jour de l’année, et ce qui leur reste pour les autres dépenses représente les deux tiers du salaire annuel de 1788[2]. Voilà les avantages résultant de la facilité accrue de circulation.

Les usines pendant ce même espace de temps se sont multipliées, — les professions ont été se diversifiant de plus en plus. — La guerre — faisant obstacle à toute relation avec l’Angleterre — a opéré comme système de protection pour l’ouvrier français et a amené le consommateur à côté du producteur ; — par là celui-ci s’est trouvé affranchi de la taxe oppressive de transport qui constitue l’obstacle principal à la circulation. Depuis lors, la loi de l’État a continué le système si bien commencé par Colbert, — et il en résulte que le prix de la terre et du travail va aujourd’hui s’ac-

  1. M. de Tocqueville a fourni d’abondantes preuves pour redresser le sentiment erroné et si accrédité qui attribue à la Révolution le morcellement de la terre. Il montre que la tendance dans cette direction n’avait pas échappé à Turgot, Necker et Arthur Young. Leurs observations s’accordent pour confirmer les remarques de l’écrivain de nos jours qui a dit : « Que la terre se vend au delà de sa valeur grâce à la manie qu’ont les paysans de nos jours de devenir propriétaires fonciers. » Et il ajoute : « Toutes les épargnes des classes inférieures qui, dans d’autres pays, se placent dans des mains particulières ou dans les fonds publics sont employées en France à acheter de la terre. » {Ancien régime, p. 41.)
      Comme preuve du rapide accroissement de commerce à cette époque, voyez le passage de Tocqueville, précédemment cité, vol. II, ch. xxxi, § 3.
  2. Annuaire de l’économie politique. 1851, p. 380.