Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/111

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quence qui rappelait les scènes du Forum, et que Burke, en se séparant d’un ami, avait versé ses larmes immortelles.

J’avais sous les yeux le siège où s’était assis M. Canning, que la mort venait d’enlever à sa patrie dans la plénitude de son talent et de sa puissance. Sur les bancs de la trésorerie, attristés par un si grand vide, siégeaient la plupart de ses anciens collègues et tous ses amis politiques. Ces hommes prévoyants et sensés s’efforçaient, comme ce ministre l’avait fait lui-même aux derniers temps de sa vie, de préparer, chacun dans la mesure où ses engagements antérieurs le comportaient, la plus grande œuvre de conciliation qui ait jamais été législativement opérée entre les opinions, les intérêts et les croyances. Si le cabinet formé, après la mort de M. Canning, sous la direction du duc de Wellington, n’aborda pas de front l’abolition des incapacités religieuses, ce fut pour mieux la préparer par des mesures dont cette abolition, qui n’était plus combattue qu’à titre d’inopportune, était le couronnement obligé. Ces hommes pratiques marchaient avec une suite constante lors même qu’ils paraissaient s’arrêter. Ils allaient pas à pas, tantôt se heurtant à des passions furieuses, tantôt à des égoïsmes aveugles, mais toujours ramenés par la force latente à laquelle obéissait la conscience du pays vers l’œuvre de réparation et de justice qui, dans le courant de l’année suivante, prit dans l’histoire son nom glorieux et s’appela l’émancipation catholique.

C’était avec un intérêt plus vif encore peut-être que