Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/126

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droit inamissible aussi fermement que pouvait le faire Louis XIV ; et dans l’impossibilité de confesser devant la nation sa foi politique, il dut en glisser l’expression voilée dans un article dont le sens était manifestement incompatible avec l’esprit général de la Constitution et avec l’ensemble du mécanisme parlementaire.

Quoiqu’il considérât tous les droits politiques concédés à ses sujets comme étant émanés de son autorité souveraine, le roi Louis XVIII avait une conscience beaucoup trop libre en toute matière pour se croire obligé d’appliquer jamais ses croyances au préjudice des intérêts de sa dynastie. Il était encore plus dégagé vis-à-vis des personnes que vis-à-vis des idées. Étranger toute sa vie aux illusions de ses serviteurs, se dégageant sans effort du poids de la reconnaissance, il s’inquiétait peu des amis dévoués dont le concours aurait pu lui devenir dangereux en présence de l’opinion publique. Ses préférences allaient donc par leur cours naturel, soit vers les jeunes gens, libres de tout engagement, soit vers les vieilles renommées sorties de la révolution. Des uns, il espérait se faire des créatures, quelquefois même des élèves, car il y avait dans ce prince du politique et du pédagogue ; il se servait des autres pour protéger le trône contre les passions que les anciens révolutionnaires avaient abjurées afin de pouvoir s’en rapprocher. Dans la première pensée se rencontre l’explication de la faveur de M. Decazes ; la seconde fut le motif de la scandaleuse admission d’un régicide dans les conseils de la royauté restaurée. Sous le règne de ce prince, aucun conflit grave n’était donc