Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/179

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les juifs l’heure de son agonie. Si l’Église est immortelle, qu’elle le prouve, s’écriaient à leur tour les politiques, en se séparant de ce qui tombe ! Et personne ne se levait pour répondre que l’auguste contemporaine de tous les siècles, assistant impassible à toutes les révolutions, ne se hâtait jamais parce qu’elle était toujours assurée du lendemain, et qu’à ses plus longues léthargies n’avaient jamais manqué les réveils triomphants ; personne ne disait qu’indifférente aux vicissitudes des empires et ne s’inquiétant que du salut des âmes, elle profitait plus du régime en vigueur aux États-Unis que de celui dont on tentait à cette heure même la restauration dans les États des rois catholiques et des rois très-fidèles ! Les hommes de foi, ou se taisaient, ou parlaient un langage de parti mille fois plus dangereux que le silence.

Détourner les catholiques d’une solidarité périlleuse, lors d’une catastrophe déjà facile à pressentir, telle fut la pensée constante des rédacteurs du Correspondant. L’isolement de l’Église au milieu de sociétés complètement renouvelées dans leurs formes et dans leur esprit les alarmait de plus en plus, et la chute trop prévue de la monarchie héréditaire était à la veille de soulever des problèmes dont la gravité les faisait trembler.

Ils n’étaient, pour la plupart, ni de souche ni d’humeur républicaine ; la déclaration des droits ne leur inspirait nul fanatisme, et l’insurrection leur paraissait un très-périlleux instrument de liberté. Mais, d’un autre côté, ayant fort peu de goût pour les évocations ré-