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Hugo, ou de la trahison de mademoiselle Mars, s’oubliant au point de fourvoyer Célimène dans la représentation de Henri III, œuvre romanesque d’une jeune créole de sang mêlé.

Il était curieux d’observer l’accueil fait dans ces réunions, où la colère survivait à la confiance, aux hommes principaux de la jeune littérature qui se faisaient présenter dans un salon envisagé, non sans motif, comme l’antichambre de l’Académie. Dans cet accueil, l’empressement tempérait la méfiance. On se sentait, sans consentir à l’avouer, en présence d’un mouvement irrésistible ; et, comme il arrive presque toujours, ou prenait ses mesures pour s’arranger avec l’avenir. MM. Soumet, de Vigny, Guiraud, Ancelot, de Beauchesne, Émile et Antony Deschamps avaient arboré, dans la Muse française, le drapeau de l’école nouvelle, en marchant à part de M. Hugo et en restant toujours d’une correction grammaticale irréprochable. Chaque numéro de ce recueil signalait une nouvelle apostasie littéraire dans les rangs de la brillante phalange issue du sein de l’opinion religieuse et monarchique. Ces défections furent d’abord amèrement pleurées ; puis on résolut de n’y plus prendre garde, tant elles devenaient nombreuses. Bientôt les défectionnaires, entourés de la faveur publique, frappèrent à la porte de l’Académie, où le bon M. Lacretelle, assisté de MM. Auger et Roger, leur servit lui-même d’introducteur, en formulant quelques réserves pour sauver l’honneur du drapeau. Le bataillon sacré réserva ses dernières forces pour lutter, avec l’énergie