Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/87

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qui, lors même qu’elle a lieu chez une personne d’un rang élevé, éveille, par la familiarité des interpellations et le sans-gêne des habitudes, l’idée d’une bruyante assemblée de grisettes, causant chacune en a parte avec des commis de magasin ? Dans toutes les classes de la société espagnole, ces réunions ont la même physionomie pittoresque et simple, car partout la franqueza est la même et le naturel est charmant.

Les Espagnoles sont assurément les plus séduisantes créatures du monde entier. Plaire est leur plus chère pensée, et s’est sans art comme sans calcul qu’elles s’abandonnent à la plus constante préoccupation de leur vie. Passionnées sans coquetterie, et plus souvent infidèles au devoir qu’à l’amour, ignorantes mais spirituelles, devinant tout sans avoir rien appris, elles ont une surabondance de sève qui confond l’étranger de surprise, tant ces riches plantes en plein vent contrastent avec nos savantes cultures en espalier !

Quelques semaines passées en Andalousie, particulièrement à Séville, m’ouvrirent des percées sur ce monde plein d’attraits. Il est à peine besoin de dire que cette peinture faite de mémoire, après un demi-siècle, ne s’applique à la société de Madrid que dans ses traits les plus généraux. Toutes les capitales se ressemblent, particulièrement celles du second ordre, où le corps diplomatique donne le ton au monde de la cour. Durant le règne de Ferdinand VII, l’influence française, nulle dans le gouvernement, malgré la présence de notre armée, était souveraine dans la société de Madrid.