Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/91

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résista au rétablissement du saint office ne fut pas due seulement aux sages conseils de notre ambassade, et à ceux de la nonciature apostolique à Madrid, en parfait accord l’une et l’autre sur ce point-là ; elle fut provoquée par des appréhensions égoïstes que personne n’ignorait dans la capitale. L’héritier du trône n’avait jamais dissimulé ses vives sympathies pour l’institution dans laquelle semblait se résumer l’ancien régime de l’Espagne. Au cri de : Vive l’inquisition ! venait donc se joindre d’ordinaire celui de : Vive D. Carlos ! et l’infant fut pour le roi son frère une menace bien avant d’être devenu un péril. Sagace et ombrageux, Ferdinand VII avait deviné un ennemi possible dans son successeur, qu’aucun intérêt d’avenir ne séparait encore de lui, puisque rien ne pouvait laisser prévoir, du vivant de la princesse de Saxe son épouse, qu’un autre mariage viendrait donner, trois ans plus tard, une fille à la vieillesse du roi d’Espagne.

Les événements survenus en Portugal dans le courant de 1826 avaient provoqué un redoublement d’agitation au sein de la famille royale déjà profondément divisée, et cette agitation s’était communiquée au pays, où les divers partis attendaient avec anxiété l’issue, alors fort incertaine, de la révolution commencée dans les institutions politiques du royaume voisin. Les choses en étaient là, lorsque s’accomplit à Lisbonne la vacance du poste que j’étais appelé à y remplir. Je quittai l’Espagne, que j’avais parcourue dans sa plus grande longueur, emportant contre les restaurations