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Page:Carné - Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration.djvu/92

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d’ancien régime des impressions peu favorables, impressions que le drame dont j’allais avoir en Portugal le spectacle sous les yeux ne concourut point à modifier.

Ayant été autorisé, avant de quitter Paris, à visiter tout le midi de l’Espagne et à prendre la voie de mer pour me rendre à mon poste, j’évitai la course à franc-étrier à travers l’Estramadure, qui était alors le moyen de communication habituel entre les deux capitales. Je pus donc parcourir à loisir cette ardente Andalousie que les plus beaux paysages de l’Italie ne m’ont pas fait oublier.

Je vois encore se dessiner sous l’azur d’un ciel sans nuage les sommets dentelés des Sierras ; je me vois à Cordoue, à Grenade et à Séville, cherchant la trace des rois maures sur les dalles étincelantes de leurs palais, épiant celle des sultanes dans les bosquets d’orangers dont les eaux jaillissantes avaient bercé leur sommeil.

Cette promenade au pays des beaux rêves, j’étais assez heureux pour ne point la faire seul. Je pouvais échanger mes vives impressions avec le plus intelligent des compagnons et le plus infatigable des investigateurs, homme rare chez lequel l’amour passionné de la vie cosmopolite n’altéra jamais l’ardeur du patriotisme, exception à noter. M. Théodore de Lagrené était alors secrétaire d’ambassade en Espagne, et les devoirs de sa carrière, qui le portèrent plus tard en Grèce et en Chine, l’avaient déjà conduit de Pétersbourg à Constantinople et de Constantinople à Madrid. Revêtant