Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/127

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touchent pour ainsi dire à l’existence. Qu’importe en effet que ces quantités soient ou non des êtres chimériques, si leurs rapports ne le sont pas, et que ces rapports soient la seule chose qui nous intéresse ? On est donc entièrement maître, en soumettant au calcul les quantités que nous avons nommées infinitésimales, de regarder ces quantités comme effectives ou comme absolument nulles ; et la différence qui se trouve entre ces deux manières d’envisager la question, consiste en ce qu’en regardant ces quantités comme nulles, les propositions, équations et résultats quelconques demeurent exacts et rigoureux pendant tout le calcul, mais se rapportent à des quantités qui sont des êtres de raison, et expriment des relations existantes entre quantités qui n’existent pas elles-mêmes ; au lieu qu’en regardant les quantités infiniment petites comme quelque chose d’effectif, les propositions, équations et résultats quelconques ont bien pour sujet de véritables quantités ; mais ces propositions, équations et résultats sont faux, ou plutôt ils sont imparfaits, et ne deviennent exacts à la fin que par la compensation de leurs erreurs, compensation cependant qui est une suite nécessaire et infaillible des opérations du calcul.


151. La métaphysique qui vient d’être exposée fournit aisément des réponses à toutes les objections qui ont été faites contre l’analyse infinitésimale, dont plusieurs géomètres ont cru le principe fautif et capable d’induire en erreur ; mais ils ont été accablés, si l’on peut s’exprimer ainsi, par la multitude des prodiges et par l’éclat des vérités qui sortaient en foule de ce principe.

Ces objections peuvent se réduire à celle-ci : Ou les quantités qu’on nomme infiniment petites sont absolument nulles ou non, car il est ridicule de supposer qu’il existe des êtres qui tiennent le milieu entre la quantité et le zéro. Or, si elles sont absolument nulles, leur comparaison ne mène à rien, puisque le rapport de 0 à 0 n’est pas plus a que b, ou toute autre quantité quelconque ; et si elles sont des quantités effectives, un ne peut sans erreur les traiter comme nulles, ainsi que le prescrivent, les règles de l’analyse infinitésimale.

La réponse est simple : bien loin de ne pouvoir en effet considérer les quantités infiniment petites, ni comme quelque