Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/138

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En effet, dans toutes les branches de l’analyse prise généralement, nous voyons que ses procédés sont toujours fondés sur les divers degrés d’indétermination des quantités qu’elle compare. Un nombre abstrait est moins déterminé qu’un nombre concret, parce que celui-ci spécifie non-seulement le combien du nombre, mais encore la qualité de l’objet soumis au calcul ; les quantités algébriques sont plus indéterminées que les nombres abstraits, parce qu’elles ne spécifient pas même le combien : parmi ces dernières, les variables sont plus indéterminées que les constantes, parce que celles-ci sont considérées comme fixes pendant une plus longue période de calcul ; les quantités infinitésimales sont plus indéterminées que les simples variables, parce qu’elles demeurent encore susceptibles de mutation, lors même qu’on est déjà convenu de considérer les autres comme fixes ; enfin les variations sont plus indéterminées que les simples différentielles, parce que celles-ci sont assujetties à varier suivant une loi donnée, au lieu que la loi suivant laquelle on fait changer les autres est arbitraire. Rien ne termine cette échelle des divers degrés d’indétermination, et c’est précisément dans cet assemblage de quantités plus ou moins définies, plus ou moins arbitraires, qu’est le principe fécond de la méthode générale des indéterminées, dont le calcul infinitésimal n’est véritablement qu’une heureuse application.

Ces quantités, qui d’une part sont liées à l’état de la question, tandis que de l’autre on demeure libre de leur attribuer des valeurs plus ou moins grandes, ces quantités, dis-je, qui sont en quelque sorte semi-arbitraires, nous font sentir la nécessité de la distinction que nous avons établie entre les quantités désignées et les quantités non désignées : distinction qui n’est pas la même que celle qui existe entre les constantes et les variables ; car les quantités désignées comprennent les constantes et les variables dont on cherche la relation ou qui sont des fonctions exclusives, c’est-à-dire toutes celles qui peuvent entrer dans le résultat du calcul, tandis que les quantités non désignées en sont nécessairement exclues. Celles-ci ne peuvent donc entrer que comme auxiliaires, elles ne servent qu’à rendre plus facile l’expression des conditions du problème, après quoi tous les soins du calculateur doivent se diriger vers leur élimination,