Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/139

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qui est indispensable dans tous les cas, et qui annonce toujours, quand elle est faite, que ce calcul perd dès lors son premier caractère de calcul infinitésimal pour rentrer dans le domaine de l’algèbre ordinaire.


168. La méthode des limites ou des premières et dernières raisons ne dispense point de la distinction, au moins tacite, de ces quantités désignées et non désignées, car la limite d’une quantité n’est autre chose que le terme dont cette autre quantité est supposée s’approcher continuellement, jusqu’à en différer aussi peu qu’on le veut. Cette limite est donc considérée comme fixe, et par conséquent comme une quantité désignée, tandis que l’autre, pouvant s’approcher de cette limite autant qu’on le veut, reste toujours arbitraire ou non désignée, et ne peut entrer dans le résultat du calcul.


169. On voit par là que l’expression de limite n’est ni plus ni moins difficile à définir exactement que celle de quantité infiniment petite, et que par conséquent c’est une erreur de croire que la méthode des limites soit plus rigoureuse que celle de l’analyse infinitésimale ordinaire ; car pour procéder en rigueur par la méthode des limites, il faut préalablement définir ce que c’est qu’une limite : or la différence d’une quantité quelconque à sa limite est précisément ce qu’on nomme ou ce qu’on doit nommer une quantité infiniment petite ; l’une n’est donc pas plus difficile à comprendre que l’autre, et si la méthode des limites est exacte, comme on ne saurait en douter, il n’y a aucune raison pour que l’analyse infinitésimale ne le soit pas.


170. Mais celle-ci a sur la première de très grands avantages, c’est que dans la méthode des limites on ne se permet point de faire entrer séparément dans le calcul ces quantités semi-arbitraires que nous appelons quantités non désignées, on n’y admet pas même leurs rapports, mais seulement les limites de ces rapports, lesquelles sont des quantités désignées. Par là on est privé des moyens de combinaison et de transformation que procure à l’analyse infinitésimale la faculté qu’elle se donne et qu’elle démontre avoir le droit de se donner, d’opérer isolément sur ces quantités auxiliaires, faculté qui con-