Page:Carnot - Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, 1860.djvu/141

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faire d’après le célèbre auteur de la Mécanique analytique ? Or, toutes les mathématiques ne sont, à proprement parler, qu’une suite de locutions semblables ; ce serait donc se jeter dans des longueurs et des difficultés inextricables que de les abandonner : il faudrait, pour s’y déterminer, qu’on pût craindre quelques erreurs dans les résultats. Or tout le monde convient que la méthode est infaillible dans ses résultats.


172. Il faut remarquer que dans les recherches mathématiques, c’est naturellement sur les quantités appelées infiniment petites elles-mêmes que se fixe l’imagination, et non sur les limites de leurs rapports. Si l’on me demande le volume d’un corps terminé par une surface courbe, j’imagine réellement ce volume partagé en un grand nombre de tranches ou même de particules. Ce sont bien ces tranches ou ces particules elles-mêmes que je considère, et non les divers rapports qu’elles peuvent avoir entre elles, et encore moins les limites de ces rapports. Mon imagination cherche un objet sensible ; des formes purement algébriques ne lui offriraient rien que de vague. La division du volume en tranches ou particules m’offre un tableau, éclaire mon esprit, le guide, et facilite la solution. Je regarde l’une de ces particules comme l’élément de la quantité totale, que je considère en effet comme la somme de tous ces éléments : je cherche donc l’expression différentielle qui doit représenter cette particule, en négligeant ce que les règles du calcul m’autorisent à omettre. J’applique alors à cette expression différentielle les formules connues du calcul intégral, et c’est ainsi que je parviens sans beaucoup de peine à résoudre tel problème qui aurait peut-être résisté à tous les efforts de la méthode d’exhaustion, ou de toute autre dans laquelle on ne pourrait faire usage des moyens d’abréviation et de simplification que fournit la méthode infinitésimale.


173. Il est permis de considérer les quantités infiniment petites, ou comme de véritables quantités, ou comme absolument nulles ; mais l’imagination s’accommode encore mieux, ce me semble, de la méthode qui considère les objets comme effectifs, que de celle qui les regarde comme réduits à zéro. La loi de continuité même, qui seule peut fixer dans chaque cas